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L’anarchisme aujourd’hui : La pratique revolutionnaire


















































































































































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La pratique révolutionnaire

Le projet que nous venons d’exposer donne un sens à notre action dans les différentes luttes que nous essayons d’impulser. Il structure nos premiers refus et propose une suite à notre condamnation des systèmes de domination.

Reste à expliquer ce qu’est notre pratique révolutionnaire, quelles formes de luttes nous devons mettre en place, quels sont les moyens à employer pour parvenir à nos fins.

La révolution

Les intérêts des exploiteurs étant inconciliables avec ceux des exploités, les conflits sociaux sont la permanente expression de la lutte de classes, et la révolution en est le possible aboutissement. Nous n’envisageons pas la révolution comme un “grand soir”. Nous savons très bien que rien ne se fait “par magie” du jour au lendemain. La révolution est un long processus. C’est au fur et à mesure du développement d’un mouvement social qu’elle se construit. De la dynamique des luttes naissent de nouvelles prises de conscience ; des expériences et des débats au sein de ce mouvement émergent des projets d’alternatives sociales.

C’est lorsque le rapport de force entre exploiteurs et exploités bascule en faveur des seconds que se produit la rupture : lorsque les salariés déclenchent une grève générale et commencent à exproprier les patrons, à faire fonctionner les entreprises et les services publics pour leur compte collectif.

La grève générale expropriatrice est en effet l’étape “pivot” du processus révolutionnaire. Dès que se produit cette rupture, il faut continuer sur la voie de l’auto-organisation, de l’autogestion et du fédéralisme. Les organisations de lutte, dont se sera doté le mouvement social au cours des années antérieures, seront les outils de cette réorganisation.

Les syndicats, les associations de quartiers, les diverses associations et organisations politiques anarchistes fourniront les premières structures d’autogestion afin de coordonner au plus vite les services publics, la production des biens et leur répartition.

Enfin, aucune “chasse aux sorcières” ne devra être pratiquée : un individu qui aura précédemment été flic, curé, ou patron, s’il accepte les principes de la nouvelle société, sera reconnu l’égal des autres. Il ne pourra lui être tenu rigueur de son ancienne positon sociale, ceci afin d’éviter des “tribunaux révolutionnaires” de sinistre mémoire.

Révolution et violence

La plupart du temps, l’idée de la révolution déclenche une peur, celle de la violence. Or la violence n’est-elle pas déjà présente dans les rapports sociaux du système capitaliste et étatiste ? Des guerres entre États jusqu’au quotidien des salariés, la violence physique et psychologique est là. Alors oui, la révolution sera forcément confrontée à ce problème. On ne peut imaginer la bourgeoisie et la classe politique se laisser déposséder de leurs biens et de leur pouvoir sans réagir. Aujourd’hui même, ils s’attellent à mater les révoltes : les Renseignements Généraux de la police fichent les éléments “subversifs ”, les milices patronales chargent les piquets de grèves, des entreprises de gardiennage louent leurs services à des propriétaires pour expulser des squatters... Dès que l’État et le patronat se sentiront menacés dans leur existence, ils emploieront tous les moyens de répression à leur disposition.

Face à cette réaction du Pouvoir, le mouvement révolutionnaire devra s’organiser pour sa défense. Il faut cependant veiller à ce que cette violence défensive soit assumée et contrôlée collectivement afin d’éviter que certains ne soient tentés d’en faire une stratégie en tant que telle (en se constituant en groupes ou en “branches armées”).

En un mot : aucune apologie de la violence n’est acceptable car nous la haïssons plus que tout. Néanmoins, aucun renversement de l’ordre actuel ne pourra se faire d’une façon totalement pacifique. Le mouvement révolutionnaire doit par conséquent la prévoir, sans perdre son objectif fondamental : l’expropriation des exploiteurs, le démantèlement de l’État et la mise en place immédiate d’une organisation sociale fédéraliste et autogestionnaire.

Finalement, la question que l’on nous pose fréquemment est bien de savoir si “le jeu en vaut la chandelle” : le risque que représente la tentative d’une révolution n’est-il pas trop grand ? Et au lieu de s’engager dans une telle aventure dont nous pourrions ressortir brisés, ne vaudrait-il pas mieux se contenter de victoires et d’avancées partielles ? En d’autres termes, ne devrions-nous pas abandonner l’ambition révolutionnaire au profit d’une forme de “réformisme radical”, c’est-à-dire se contenter des luttes sociales pour faire reculer peu à peu la domination ?.

Le problème ne se pose pas ainsi. D’abord, il y a des moments dans l’histoire où le mouvement social, se trouvant en position de force, représente un danger inacceptable pour le Pouvoir. Ce n’est donc pas le mouvement social qui choisit forcément l’instant de la confrontation. Ensuite, les révolutions ou les mouvements insurrectionnels ne se font pas “sur commande”. Ce sont des “lames de fond” et non des produits de décisions purement rationnelles. Mai 68 n’était prévu par personne, pas plus que l’ampleur prise, il y a quinze ans, pas le mouvement des squats en Hollande. Enfin la peur de passer le “point de non-retour” est souvent ce qui a bloqué les mouvements sociaux (la première illustration de ce phénomène fut la “paralysie” des esclaves révoltés de Spartacus devant Rome) et l’on constate que ces hésitations ont eu des conséquences plus catastrophiques que les tentatives révolutionnaires affirmées dans des contextes trop défavorables. Tout ceci pour dire que la très grande part de spontanéité des phénomènes révolutionnaires nous interdit de penser à les “programmer”. Aucune organisation, aucun parti ne peut prétendre déclencher une révolution ou en retarder l’échéance. Par contre, nous la souhaitons car elle est le seul moyen de mettre fin au système actuel et à ses violences. Nous agissons pour lui donner toutes les chances de réussite et quand une tentative de ce type se produit, notre rôle doit consister à ce qu’elle soit la plus constructive possible, à être prêts à contrer les oppositions des partis contre-révolutionnaires et la réaction de l’État. Si le risque est effectivement grand, il est encore plus dangereux de faire comme si nous pouvions vivre tranquillement sans subir les coups de l’organisation sociale autoritaire. Si une partie d’entre nous peut toujours s’en sortir par la “démerde individuelle”, la soumission ne mène fatalement qu’à plus de misère. Si les luttes sociales reprennent, elles déboucheront tôt ou tard sur de nouveaux affrontements d’envergure contre la bourgeoisie. À nous de faire en sorte que ces affrontements ne se produisent pas en pure perte, qu’ils ne soient pas des soubresauts pour retomber ensuite dans une société toujours aussi inégalitaire et destructrice des individus, mais que nous franchissions le pas pour conquérir notre totale liberté.

Contre l’autoritarisme révolutionnaire

L’image de la révolution a lourdement pâti des exactions et des crimes commis par les révolutionnaires autoritaires. Sous la Révolution française en 1793, la Terreur est mise à l’ordre du jour sous la pression des sans-culottes qui voient en elle la possibilité de démasquer les accapareurs et les “ennemis de l’intérieur”. Tout d’abord tournée contre les modérés (girondins, dantonistes...) elle se retournera ensuite contre le mouvement égalitariste, contre les sans-culottes, les enragés et les clubs populaires, en se révélant comme l’outil d’un pouvoir ennemi de la révolution sociale. La révolution bolchevique en Russie, la révolution chinoise et autres révolutions dites “socialistes”, sans exception, n’ont fait qu’instaurer la dictature de bureaucraties, d’un capitalisme d’État qui exploitait et opprimait l’immense majorité. Les pratiques autogestionnaires et les aspirations à l’auto-organisation furent canalisées puis détruites systématiquement par les nouvelles classes dirigeantes qui s’évertuèrent à réprimer tout ce qui n’était pas conforme à leur “ligne”, pour préserver leur pouvoir et leurs intérêts de classe.

La révolution anarchiste doit adopter des pratiques conformes à ses fins et c’est pourquoi nous rejetons les préceptes du marxisme-léninisme et du trotskisme : l’avant-gardisme, l’idée “d’étape transitoire”, la “dictature du prolétariat”.

À première vue, il semblerait que marxistes et anarchistes soient d’accord sur la disparition de l’État. Dans un texte intitulé L’origine de la famille, de la propriété privée et de l’État, Engels écrit : “Avec la disparition des classes sociales disparaîtra inéluctablement l’État. La société qui réorganisera la production sur la base de l’association libre et égale des producteurs, reléguera la machine d’État à la place qui lui convient : au musée des antiquités, à côté du rouet et de la hache de bronze ”. Marx, de son côté a été fort peu prolixe sur la “future société”.

Mais lorsqu’on aborde la question de la “transition”, notre point de vue devient inconciliable avec celui des marxistes-léninistes. Pour ces derniers, le passage au socialisme s’effectue via la dictature du prolétariat et l’instauration d’un “État ouvrier” : “Le prolétariat se servira de sa suprématie politique pour centraliser tous les instruments de production dans les mains de l’État, c’est-à-dire du prolétariat organisé en classe dominante“ (Manifeste du parti communiste, 1848). Pour Lénine, “il est nécessaire d’utiliser provisoirement les instruments, les moyens et les procédés du pouvoir de l’État contre les exploiteurs, de même que pour la suppression des classes, la dictature provisoire de la classe opprimée est indispensable“.

Soyons sérieux : premièrement la “dictature du prolétariat” est un non-sens. Le prolétariat est ce qu’il est parce qu’il est exploité et dominé. Si ce n’est plus le cas, il n’existe plus. Et s’il n’existe plus, comment pourrait-il exercer sa “dictature ” et sur qui ? Pour nous, une telle rhétorique n’est que le prétexte pour justifier la dictature pure et simple du Parti unique ! Deuxièmement, un État ne peut dépérir de lui-même. Au contraire, il fait tout pour rester debout et se renforcer ! Le stalinisme n’était donc pas la “dégénérescence d’un État ouvrier” (pour reprendre les mots des trotskistes) mais la suite sinistre et logique de la prise de pouvoir bolchevique. La seule période transitoire que nous reconnaissons est celle durant laquelle se travaille la perspective révolutionnaire, et, après la rupture, celle où les nouvelles structures fédéralistes et autogestionnaires se mettent en place et prennent leurs marques.

Par ailleurs, les résultats obtenus étant conditionnés par les méthodes employées, nous affirmons que la fin ne justifie pas les moyens mais qu’elle y est contenue. L’avant-gardisme, qui correspond au rôle dirigeant d’une “élite auto-proclamée” sur la “masse”, est contre-révolutionnaire par essence. Aucune formation idéologique, aucune organisation ne pourra émanciper les individus en leur imposant l’obéissance, en les dirigeant. Cette vision des choses conduit au résultat inverse : elle tue toute liberté, fait naître de nouveaux chefs, pires que les précédents ! Notre émancipation ne pourra se faire que par notre propre action, directe, c’est-à-dire sans charger quiconque de nous conduire, de nous guider ! Au concept d’avant-garde, nous opposons ceux de “forces d’influences” et de “minorités agissantes”. Selon les contextes, il existe en permanence des individus, des groupes, des organisations qui prennent des initiatives, qui jouent, à un moment donné, des rôles d’instigateurs, de catalyseurs.

C’est dans ce sens que les organisations anarchistes spécifiques sont indispensables à la construction et à la politisation d’un mouvement social révolutionnaire. C’est aux militant(e)s anarchistes de se regrouper pour constituer un pôle d’influence : pour convaincre, pour apporter critiques, analyses et propositions anarchistes, pour défendre les principes d’auto-organisation, pour impulser des luttes sur les bases de la révolution sociale... Mais ces organisations ne peuvent et ne doivent prétendre à l’encadrement ou à la direction de ces mouvements.

Contre le réformisme et l’électoralisme

Comme nous l’avons dit plus haut, l’État n’est pas un outil neutre. Le conquérir pour tenter de mener une politique plus juste, pour, en quelque sorte, tenter “d’humaniser” le capitalisme est une véritable utopie. Aucun gouvernement de “gauche” ne pourra tenir ses promesses, tout simplement parce qu’en acceptant les règles du jeu de l’économie de marché et de la propriété privée des moyens de production, il sera contraint de faire la politique correspondant aux intérêts des véritables détenteurs du pouvoir : les patrons d’industrie, les groupes financiers, les multinationales. Voilà pourquoi la politique de gauche est un mythe.

Nous présenter aux élections pour tenter d’être élus n’est donc pas notre combat. La seule chose qui compte, c’est le rapport de force que seront capables d’établir les exploités, face aux patrons et aux gouvernants. L’abstention aux élections municipales, régionales, législatives ou présidentielles est un leitmotiv du mouvement anarchiste. L’abstention est l’expression d’un refus : celui de se prêter à la mascarade des partis démocrates. Nous y ajoutons immédiatement un distinguo capital : l’abstentionnisme du “pêcheur à la ligne” est tout aussi dangereux que l’acte du citoyen qui, se croyant “responsable", met un bulletin de vote dans une urne, en signant l’arrêt de mort de son propre pouvoir politique. Notre abstentionnisme n’a rien d’un acte passif : il est un moyen d’intervenir en dénonçant la “politique-spectacle” et en affirmant la nécessité d’une prise de conscience du prolétariat.

Il n’est pas rare que l’on nous reproche cette tactique, en nous accusant de “faire le jeu de la droite, voire de l’extrême droite”. En 1981, il fallait “donner sa chance à la gauche”, et puis on verrait.. Depuis, on a vu ! Bien sûr, il restera toujours les indécrottables pour nous certifier “qu’avec la droite, la situation aurait été encore pire”. Ce raisonnement du “moindre mal” peut mener loin, très loin ! Si loin que l’on a pu entendre, en 1995, de lamentables dialogues entre partisans de la gauche, certains se demandant si un “Chirac social” ne valait pas mieux qu’un “Balladur qui avait fait confiance à Pasqua...” ! On atteint ici les sommets de la politique de comptoir ! Reste l’argument “choc ” :“En ne votant pas, vous favorisez la progression de l’extrême droite ! “. Notre réponse est claire : l’histoire nous a suffisamment montré que les démocraties n’ont jamais pu (ou voulu) barrer la route au fascisme. En Espagne, en 1936, vaincu dans les urnes, le fascisme, cinq mois plus tard, rejaillissait avec d’autant plus de force dans la rue. Et puis, s’il faut parler de “ceux qui font le jeu du FN”, parlons-en ! À ceux et celles qui ont la mémoire courte, rappelons juste quelques faits, afin de montrer combien la gauche, historique et actuelle, s’est employée à pérenniser un système et des méthodes, qui, de fait, constituèrent un terreau fertile au fascisme : ce sont les élus socialistes du Front Populaire qui en 1940 votèrent les pleins pouvoirs à Pétain (excepté trente-six d’entre eux). C’est la gauche socialiste qui laissa la Révolution espagnole se faire écraser, en refusant de lui vendre des armes. C’est encore elle qui enferma les réfugiés espagnols dans des camps de concentration avant de les livrer aux fascistes. C’est le socialiste Jules Moch qui a inventé, en mars 1948, les CRS. C’est le général Bigeard, spécialiste de la torture, celui qui envoyait des camions pour ramasser les morts d’interrogatoires qu’on jetait à la mer qui déclarait en 1981, à propos de la victoire de la gauche : “Vous savez, ça ne me gêne pas. J’ai fait deux guerres coloniales. Toutes sous régime socialiste”. C’est Mitterrand qui parla, avant les élections présidentielles de 1988, de “seuil de tolérance” au sujet de l’immigration. C’est bien Fabius qui déclara : “Le Pen pose les bonnes questions mais apporte les mauvaises réponses “ (quelles bonnes questions pose Le Pen ? Aucune !) ; c’est bien la gauche qui multiplia les camps de rétention pour les clandestins, alors qu’il n’en existait qu’un seul sous Giscard !... Alors, que les électeurs et électrices de gauche n’essaient pas de donner des leçons aux anarchistes sur ce sujet ! Si c’était être naïf que de voter à gauche en 1981, c’est aujourd’hui être masochiste !